Los Jubilados

En espagnol, la retraite se dit : jubilación.
Un retraité est un jubilado.

En ce qui concerne le groupe des Seniors du 4 (dont le doyen a 83 ans), nous ne dirons plus « senior », nous dirons « jubilado » car c’est un groupe qui croque à pleines dents le projet et la vie !
Nos jubilatoires seniors du 4 se sont rencontrés pour leur premier atelier Français du futur ce lundi 15 janvier et déjà nous avons un texte formidable à partager avec vous :

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Français du futur,

Nous sommes en 2068, sur le « murimage » de la salle commune de notre « commonhome » , nous regardons en direct-hologramme la cérémonie de remise du prix Nobel de littérature.

Cette année, c’est un Européen de l’Etat parisien qui est récipiendaire (pardon Winner, j’utilise encore de vieux mots du siècle dernier).

Cet homme (oui cette année est celle des hommes comme tous les cinq ans) qui est maintenant célèbre et célébré aujourd’hui, s’appelle Amir Collombus.

C’est le nom qu’il a pris en 2038 quand il a obtenu la qualité parisienne. Son nom original s’est perdu. Il venait de ce qui était alors l’Afghanistan : arrivé en Europe fin 2017, fuyant les guerres qui sévissaient dans son pays d’origine, il arriva en novembre à Paris avec sa mère et un frère.

On se souviendra (pour ceux qui n’ont pas subi le stylo à effacer la mémoire) que les immigrés (on disait migrants à l’époque pour signifier qu’ils n’étaient que de passage), les immigrés, donc, n’étaient pas les bienvenus. Ils étaient refoulés en mer, chassés dans les montagnes et quand ils s’installaient en ville (sous des tentes que leur donnaient les associations charitables), des brigades de chasseurs de migrants de la police d’Etat venaient lacérer ces tentes et éparpiller leurs effets.

Il avait donc pris le nom de Collombus, par antithèse, en référence au ministre de la Police de l’époque dont le nom ne vous dira sans doute rien, un certain Général, ou Géraud… non ! … Gérard Collomb.

Amir avait eu la chance d’être hébergé dans une « librairie alternative », sorte de lieu où l’on pouvait acquérir des livres (des liasses de papiers imprimés, reliées, où on pouvait lire comme maintenant sur nos tablettes multitâches que nous tenons enroulées dans nos poches.). « Librairie alternative », ça signifiait, à l’époque, une vision différente du monde, opposée au fonctionnalisme-libéral-capitaliste qui régnait alors.

Grâce à cet hébergement dans cette librairie où il passait ses nuits, le petit Amir (il avait 10 ans) apprit à lire le français et découvrit nos grandes écrivaines : Marguerite Yourcenar, Françoise Mallet-Joris, la Comtesse de Ségur (née Rostopchine), Claude Sarraute, Elsa Triolet… et nos écrivains, naturellement : Zola, Jorge Semprun, Romain Gary, Ionesco, Cioran, Henri Troyat, Atiq Rahimi (venu, comme lui, d’Afghanistan), Milan Kundera, Tahar Ben Jelloun, bref toute la littérature française…

Aujourd’hui, où l’Europe est enfin sur le point de se faire – et où tous les espoirs de fédéralisme réaliste et pragmatique sont permis – dés qu’aura eu lieu la grande conférence des régions et sous-régions, dite conférence des quatre-vingt-dix, qui réunit les régions des 9 anciens pays d’Europe fondateurs de l’Europe des 27 (Allemagne, Belgique, Pays-bas, Italie, Portugal, France, Finlande, Irlande, Écosse)…

Nous pouvons être fiers de voir couronner à Stockholm, (la Suède hélas n’a pas souhaité se joindre à notre concert des nations), un pur produit de ce que sait faire l’éducation et l’intégration à la parisienne (il s’agit bien sûr du Grand Paris qui va de Lille à Dijon).

Réjouissons-nous tous ensemble de cette très belle réussite et espérons que l’Académie française accueillera, comme elle a toujours su le faire, notre nouveau prix Nobel.

21 Décembre 2068

Lucien Orange

Note : Je ne sais pas si son nom est Amir, mais l’immigrant de dix ans hébergé dans une « librairie alternative » à Paris est authentique …

 

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